Conditions de travail, accompagnement, management… comment fidéliser les agents ?

Le quatrième Club RH de La Gazette de l’année, organisée en collaboration de la ville de Lyon, avait pour thème la fidélisation des agents. Un enjeu particulièrement important à l’heure où les collectivités peinent à recruter et voient leurs bons éléments leur échapper. Faut-il pour autant lutter, à tout prix, contre le turn-over ? C’est la question abordée par les deux premiers intervenants, Olivier Ducrocq, directeur général du centre de gestion du Rhône et de la métropole de Lyon (CDG 69), et Valérie Bouvier, directrice générale du centre de gestion de la Haute-Savoie (CDG 74). Sous forme d’une saynète humoristique - avec Olivier Ducrocq dans le rôle de l’avocat du "bon turn-over" et Valérie Bouvier dans celui du procureur du "mauvais turn-over" -, ils ont abordé les problèmes qu’entraîne le manque de fidélisation du personnel.

Désorganisation versus régénération

Pour la "procureur" Valérie Bouvier, le turn-over est synonyme de désorganisation, de déstabilisation des équipes et « pour les enfants dans les crèches », de perte de savoirs, de rupture dans les projets, de surcharge de travail et parfois le signe de RPS. « Comment se projeter dans des projets si la préoccupation est de faire fonctionner la collectivité ? », a-t-elle demandé.

Alors que pour "l’avocat" Olivier Ducrocq, le turn-over est synonyme de régénération des équipes, de mobilité et même facteur de motivation. « Des agents restent pour de mauvaises raisons », a-t-il rappelé. « Le turn-over a un coût financier et humain », a relevé Valérie Bouvier. Mais « il peut permettre de faire des économies car les jeunes coûtent moins cher que les agents plus âgés », lui a répondu Olivier Ducrocq.

Principe de subsidiarité

Christine Fournier-Blousson, directrice des ressources humaines de Caluire et Cuire (69) a ensuite ouvert la table ronde "Retours d’expériences" en présentant les principes de management appliqués au sein de sa collectivité. « Fidéliser, c’est d’abord un accord qui doit être bien passé au départ. L’agent doit savoir ce qui l’attend », a-t-elle expliqué.  Caluire et Cuire soigne l’intégration des nouveaux agents dans la collectivité et, pour fidéliser, laisse beaucoup de place aux initiatives. « Le principe de subsidiarité innerve notre fonctionnement. Il y a une ouverture aux initiatives, aux idées d’où qu’elles viennent. Cela joue sur l’engagement », estime Christine Fournier-Blousson.

Pour permettre à chacun de s’approprier le projet d’administration, chaque service a pu le décliner à son échelle et l’alimenter avec les valeurs portées par le collectif. Avec une liberté dans la forme, qui a notamment donné lieu à une présentation sous forme de BD et de Monopoly. Christine Fournier-Blousson a conclu son propos en rappelant que la « fidélité ne se décrète pas et n’est pas seulement de la responsabilité des RH. Le manager et l’équipe jouent un rôle central ».

Stabiliser les effectifs

La situation de Givors (69), représentée par Thierry Grimm, le directeur général des services, tranche avec celle de Caluire et Cuire. Le basculement politique de 2020, après des décennies de gouvernance communiste, a entraîné un changement radical des pratiques de gestion des ressources humaines et de management. Pour stabiliser les effectifs, il a fallu trouver « l’équilibre entre le résultat et l’humain », doter la collectivité des moyens de piloter les ressources humaines avec des outils de gestion et managériaux (rémunération, discipline, télétravail, semaine de 4,5 jours) et accompagner la montée en compétence par la formation « quel qu'en soit le coût », a précisé Thierry Grimm.

Pour mener à bien la transformation « sans épuiser tout le monde », le DGS de Givors a fait le choix de la transparence. « Pour motiver, il faut être honnête », a-t-il expliqué. Y compris envers les candidats. « Je leur dis que ça va être compliqué mais je présente les choses comme un défi et je valorise l’agilité de la collectivité. » Une revue de projets « sans langue de bois » est organisée pour les élus et accessible en ligne pour les agents. Et des entretiens sont organisés avec les nouveaux agents six mois après leur prise de poste. « Cela permet d’alimenter les évolutions à venir », explique Thierry Grimm.

À la rencontre des habitants

Aurélie Pasquier, directrice adjointe emploi et développement des compétences de la métropole de Lyon (69), a présenté plusieurs initiatives qui contribuent à fidéliser les agents, avec l’idée de « faire autrement ». Pour rendre concret ce que font les agents, des rencontres ont été organisées chez l’habitant et sur des stands dans les communes. Les 400 agents volontaires ont auparavant été formés à la relation usagers. « Cette mise en visibilité de leur travail les a enthousiasmés et a créé de la culture commune », a rapporté Aurélie Pasquier.

Parce que « l’accompagnement des managers ne peut pas passer que par la formation », la métropole a créé un dispositif de soutien baptisé "Cap management" : un lieu physique et une plateforme numérique pour apprendre entre pairs, bénéficier de coaching flash, participer à des séances de co-développement, s’entraîner aux entretiens de recrutement et de recadrage… Aurélie Pasquier a par ailleurs évoqué l’expérimentation de la semaine de quatre jours qui va débuter en septembre, avec une centaine d’agents représentatifs.

Expérience collaborateur positive

Olivier Ducrocq est revenu pour évoquer des mesures prises par le centre de gestion du Rhône et de la métropole de Lyon pour fidéliser les agents, qui sont « plutôt jeunes, plutôt cadres et plutôt experts ». « Nous avons augmenté notre régime indemnitaire de 25 % et nous avons requalifié les postes de catégorie C en catégorie B », a-t-il indiqué. Le centre de gestion a également choisi de fermer ses bâtiments le vendredi et de « mettre tout le monde en télétravail ». Juste avant le week-end, c’est un plus pour l’articulation des temps de vie, qui n’a pas été sans soulever « des réticences de la part des élus », a-t-il précisé.

Vincent Fabre, le directeur général adjoint en charge des ressources humaines et du dialogue social de la ville de Lyon, a conclu cette table ronde en présentant quelques actions pour une « expérience collaborateur positive ». Il a notamment expliqué comment la collectivité associe les agents pour qu’ils trouvent du sens à leur travail. « Pour les faire participer, il faut modifier les pratiques managériales et accepter que cela prenne du temps », a-t-il rappelé. Les managers sont accompagnés (séminaires, webinaires) sur la base du triptyque « imaginer, coopérer, faire confiance ».

Être un « bon employeur »

La ville de Lyon a aussi augmenté les ratios d’avancement pour les catégories C, ouvert les promotions internes et créé les postes quand le besoin est permanent. Un objectif de création de 400 postes a été fixé sur le mandat. « La QVT est liée aux effectifs », a souligné Vincent Fabre ajoutant que « pour fidéliser les agents, il faut être un bon employeur ». Le budget formation a progressé de 31 %, notamment pour financer des formations qualifiantes. Un plan de lutte contre toutes les discriminations au travail est par ailleurs en cours d’élaboration. « L’égalité professionnelle contribue à l’expérience collaborateur », a relevé Vincent Fabre.

Jérôme Bertin, coordinateur développement de l’Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail (ARACT) Auvergne-Rhône-Alpes, a clôturé la matinée en évoquant le cas de ces entreprises du secteur privé qui font « le deuil de la fidélisation » sur les métiers volatiles et structurent leur politique de recrutement et de GRH en conséquence pour faire face au turn-over. Insistant sur le fait que « les conditions de réalisation du travail donnent du sens », il a appelé l’auditoire à la vigilance sur l’articulation entre les objectifs donnés et les ressources fournies. « Les départs sont souvent liés à l’écart entre objectifs et ressources. Ce qu’on désigne sous le terme de travail empêché », a-t-il souligné.

© GettyImages_ChrisFutcher

Article publié le 19/06/2023

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