Comment réagir face à un collègue présentant des troubles psychiques ayant des impacts dans le travail (absences répétées, relations interpersonnelles dégradées, agressivité…) ? Pourquoi et comment se former aux premiers secours en santé mentale (PSSM) ? Quelle organisation du travail et quel management adopter pour gérer des maladies telles que la bipolarité, la schizophrénie, la dépression ? Le Club RH de La Gazette du 23 mars, organisé à La Rochelle (17), a proposé un tour d’horizon des actions à mettre en œuvre pour détecter, anticiper et prendre en charge au mieux les maladies mentales au travail. Sandrine Blanché, chargée de mission à l’ARACT Nouvelle-Aquitaine a introduit les échanges en pointant la difficulté à caractériser la santé mentale, qui renvoie à « une sémantique large » et à « des perceptions personnelles ».
Croiser les caractéristiques de l’individu et de l’organisation
Sandrine Blanché a ensuite insisté sur l’importance d’une approche individuelle répondant aux caractéristiques personnelles, à croiser avec les conditions de réalisation du travail, les modalités de gestion des ressources humaines et les relations professionnelles. « Il faut mettre en place collectivement une organisation qui permette de gérer les conséquences de la maladie dans le travail », a-t-elle expliqué. Ajoutant que « l’intervention d’un tiers est souvent nécessaire pour objectiver les problématiques ».
Se référant à une étude anglo-saxonne de 2003 évaluant l’impact des politiques en faveur de l’égalité des chances sur la performance des entreprises, elle a rappelé les effets bénéfiques de l’intégration de "profils atypiques" dans le niveau de productivité individuelle et collective. Pour Sandrine Blanché, il est possible de faire du travail un lieu de développement de la santé, à condition de l’appréhender comme « une construction permanente, non réductible à une affaire personnelle ».
Coopération entre DRH et médecine professionnelle
Laurent Sédilleau, directeur des ressources humaines mutualisé de la ville et de l’agglomération de La Rochelle, a ouvert la table ronde dédiée aux retours d’expériences en expliquant l’intérêt d’avoir une direction « des ressources humaines et de la santé au travail » pour renforcer la coordination. « Cette organisation nous a permis de mettre le doigt sur des difficultés au sein de services, liées à la santé mentale de certains agents », a-t-il notamment souligné. S’en est suivie une formation en décembre 2022 des acteurs du Pôle santé au travail aux premiers secours en santé mentale (PSSM) et un travail sur la prise de conscience des agents concernés pour mettre en place des mesures d’accompagnement.
La collectivité a par ailleurs réactivé le lien avec une association chargée d’accompagner les personnes atteintes de troubles psychiques pour leur maintien dans l’emploi. D’ici la fin de l’année, des actions de sensibilisation des encadrants à la question du trouble psychique et une procédure d’accompagnement des situations individuelles seront formalisées. De nouvelles formations aux PSSM seront également proposées de manière ciblée. « Il faut nommer les choses si on veut pouvoir accompagner les individus, les encadrants et les collectifs de travail », a résumé Laurent Sédilleau.
Ne pas laisser passer des comportements violents
À la question de savoir s’il faut engager une procédure disciplinaire à l’encontre des agents malades qui ont des comportements violents, le DRH de La Rochelle, comme les autres intervenants, a répondu par l’affirmative. « Cela peut permettre une prise de conscience de la part de l’agent en cause. C’est aussi important pour les collègues "victimes" qui ont besoin d’être reconnus », a précisé Laurent Sédilleau.
Karine Viacroze-Perrin, directrice générale adjointe en charge des ressources humaines mutualisée de la ville et de l'agglomération de Rochefort, est revenue sur la formation aux PSSM en partageant ses questionnements sur son bénéfice et ses risques. « Donner une formation en secourisme en santé mentale à quelqu’un qui se voit comme un "sauveur", dans son cadre professionnel, c’est légitimer une posture dangereuse pour tout le monde », a estimé Karine Viacroze-Perrin.
Favoriser un état de bien-être
Reprenant la définition de la santé mentale de l’OMS, déjà évoquée par Sandrine Blanché en début de matinée, la DGARH de Rochefort a redit qu’il s’agit d’un « état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ». Elle a poursuivi en donnant quelques recommandations de l’OMS qu’elle applique à Rochefort pour protéger la santé mentale des agents. En particulier la formation des cadres pour les aider à percevoir la détresse émotionnelle de leurs agents et à agir en conséquence. « Il faut développer leurs compétences relationnelles et mieux faire comprendre comment les facteurs de stress au travail affectent la santé mentale », a souligné Karine Viacroze-Perrin.
La sensibilisation des agents aux questions de santé mentale constitue un levier supplémentaire pour éviter toute stigmatisation et leur apprendre à gérer le stress. À travers le programme "Bien", Rochefort propose des activités physiques et des sessions d’information sur le temps de travail destinés à améliorer la santé et le bien-être global des agents. Pour favoriser la santé mentale au travail, Karine Viacroze-Perrin préconise, en résumé, de « mettre le travail au centre des relations, d’échanger et de communiquer, d’apprendre à connaître les autres et de travailler en lien étroit avec les professionnels de santé ».
De la santé mentale aux risques psychosociaux
En conclusion de la table ronde, Nathalie Parlant, directrice générale des services du centre de gestion de la Charente-Maritime (CDG17), a présenté les nombreux outils et dispositifs d’accompagnement du CDG pour préserver la santé mentale des agents et prévenir les risques psychosociaux dans les collectivités. Rappelant au passage que les agents peuvent solliciter directement le CDG pour se faire aider. Celui-ci intervient en prévention primaire pour agir sur les causes et les risques, en prévention secondaire pour protéger et limiter l’exposition aux risques et en prévention tertiaire quand il faut prendre en charge et accompagner les agents en souffrance, maintenir en emploi, reclasser.
Nathalie Parlant a rapporté une augmentation des interventions collectives en 2022 à la suite de sollicitations en urgence liées à des situations individuelles de mal-être au travail, « avec un besoin de prise en charge psychologique des agents ». « Nous pouvons intervenir avec l’appui de partenaires comme notre courtier WTW ou dans le cadre de notre nouvelle convention signée avec la MNT », a-t-elle précisé. Elle a conclu son propos en indiquant que le dispositif de signalement, qui découle de la loi de Transformation de la fonction publique de 2019, est aussi une opportunité pour orienter les agents vers les services et professionnels compétents.
Créer un climat de confiance
Emilie Sauvaget, docteure en psychologie clinique et sociale au groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis, a conclu la rencontre en apportant son regard d’expert. L’occasion pour elle de rappeler qu’un quart des Européens sera confronté au cours de sa vie à un trouble psychique, mais surtout de donner des pistes pour gérer au mieux les troubles psychiques au travail. Côté organisation, il est nécessaire de poser un cadre pour bien travailler ensemble, de créer un climat de confiance pour libérer la parole, d’intégrer le fait qu’il n’y a pas de frontière entre vie privée et vie professionnelle. Côté agent, il faut faire le deuil d’un travail idéalisé et prendre soin « soi-même » de sa santé mentale. Alors qu’elle constate que le travail est quasi-systématiquement associé à un problème, Emilie Sauvaget assure qu’il est aussi un moyen de s’épanouir s’il est effectué dans de bonnes conditions.
Les Clubs RH : des rencontres d'actualité
Les Clubs RH La Gazette sont des rencontres d’actualité pour les professionnels des ressources humaines de collectivités territoriales qui souhaitent enrichir leur expertise, partager leurs expériences ou encore élargir leurs réseaux professionnels. Les Clubs RH suivants, toujours avec le soutien de la MNT, se dérouleront à Caen en mai sur le thème "Emploi des seniors : comment anticiper et accompagner les fins de carrière", puis à Lyon en juin et à Quimper en novembre.
Retrouver le compte-rendu du Club RH 2023 précédent : RH : comment retenir et fidéliser les talents ?
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Article publié le 30/03/2023