L'assertion sonne tel le canon sur ce champ d'exercice traditionnellement découpé au cordeau entre acteurs, politiques et compétences : « Les principales ressources et marges de manœuvre des uns sont chez les autres », soutient Jérôme Grolleau, auteur de la vingtième étude de l'Observatoire social territorial (OST) « Réenchanter le quotidien : le sens de l’action publique locale ». Au sein même des organisations tout comme sur les territoires, les frontières doivent donc tomber. Et les masques de leadership avec. Pourquoi ?

La nouvelle stratégie organisationnelle puise d’abord à une interrogation déjà connue : comment satisfaire les besoins d’un usager en découpant son quotidien en autant de tranches de vie que de compétences ? Si les territoires sont têtus, leurs habitants sont, eux, évidemment plastiques, en fonction de moments qui s’articulent entre eux. Toutefois, Jérôme Grolleau va plus loin : « Ni juxtaposition, ni même coordination qui ne relève que d’un ordonnancement commun, l’efficacité locale réclame désormais une véritable coopération intra et inter-territoriale des actions publiques, associant les agents de tous niveaux et directions », pose-t-il clairement. En clair, un service « sans couture » !

Chacun pour cela doit savoir – et pouvoir – sortir de sa logique, de son métier, de son institution sans craindre d’y perdre de sa maîtrise ou de sa souveraineté. Mieux encore : « Il faut souscrire à une nouvelle responsabilité collective qui, au-delà de son propre périmètre, engage aussi sur les effets que son action peut avoir chez l’autre, que ce soit le collègue d’à-côté ou celui qui exerce à des kilomètres », décrit Jérôme Grolleau.

Directrice générale des services de la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup (36 communes, 47 600 habitants, Hérault), Nathalie Mas-Raval approuve : « Contractualisation régionale, pacte métropolitain, contrat de ruralité intercommunal, mais aussi BIM (Building Information Modeling) ou open data… Pas un domaine d’action qui n'échappe aujourd’hui à la transversalité et à l’implication croisée des institutions et de leurs agents, conduisant ceux-ci à se penser comme des acteurs-réseau au service d’une force collective ».

Pour autant l’affaire n’est pas évidente : la confiance doit d’abord remplacer la défiance, la compréhension réciproque l’individualisme et la médiation les postures directives. Il faudra, par exemple, accepter l’avis d’un collègue a priori non légitime sur le sujet ! Le sociologue en convient donc : « Il s’agit là d’un saut culturel majeur », préparable néanmoins par petites touches. Outre un « vis mon job » en interne, la ville de Savenay (8600 habitants, Loire-Atlantique) a aussi institué une « fête des voisins au travail » ouverte aux collaborateurs de toute l’intercommunalité afin qu’ils se connaissent pour mieux travailler ensemble. Car, Jérôme Grolleau en est convaincu : « L’efficacité de l’action tient désormais à la qualité de toutes ces interactions où chacun a à gagner ». L’usager bien sûr, mais aussi l’agent qui, au-delà de sa satisfaction de participer d’un service public plus opérant, percevra dans cette continuité de service public la finalité de sa propre action.

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