Prévoyance, santé : où en est vraiment la protection sociale complémentaire

La réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) constitue une grande avancée puisqu’elle doit améliorer la protection des agents publics territoriaux, les employeurs ayant une double obligation de participer au financement, en partie, des frais de santé de leurs agents mais également à la prévoyance, comme l’a rappelé Maître Caroline Letellier, avocat associé au sein du cabinet Avanty avocats. « Cette participation était jusqu’alors facultative et avec cette obligation, il y aura une vraie stratégie à développer par les employeurs pour accompagner leurs agents sur ces deux sujets », précise Nicolas Lonvin, directeur général des services du centre de gestion du Finistère (CDG 29). Et de faire remarquer que la PSC constitue aussi pour les employeurs un enjeu d’attractivité, et « permet de faciliter la vie et le pouvoir d’achat des agents ».

Une étape a été franchie avec la signature par les représentants des employeurs territoriaux et les organisations syndicales d’un accord, le 11 juillet dernier, à la suite des négociations nationales. Cet accord va beaucoup plus loin en matière de prévoyance qu’en santé, « en raison de la date de mise en œuvre de la réforme, à savoir au 1er janvier 2025 en prévoyance et au 1er janvier 2026 en santé », souligne Caroline Letellier. Et d’expliquer que les négociations en santé se feront en 2024-2025.

Prévoyance : vers des contrats à adhésion obligatoire ?

« S’agissant de l’adhésion obligatoire des agents, l’accord pose le principe de contrats collectifs à adhésion obligatoire en prévoyance mais il ne dit rien en santé et il faudra donc attendre de voir ce qui sera négocié en 2024-2025 ». Maître Letellier rappelle que cet accord a surtout une portée politique et « aujourd’hui, juridiquement, à défaut de texte normatif, les collectivités auront toute liberté de mettre en place un contrat collectif à adhésion obligatoire, dans le cadre de négociations et d’un accord valide avec les organisations syndicales, en suivant les souhaits résultants de l’accord, ou bien un contrat collectif à adhésion facultative, ce qui est déjà le cas pour certaines collectivités ». Les deux intervenants ont exprimé l’intérêt d’aller sur un contrat à adhésion obligatoire « qui permet de mieux mutualiser les risques », selon Caroline Letellier. « Le périmètre de cotisation sera bien plus élevé et donc l’effet de mutualisation sera d’autant plus important, pointe Nicolas Lonvin. Reste la question d’un agent qui aurait déjà un contrat en prévoyance, plus favorable. Dans quelle mesure est-ce que l’on permettra donc à un agent de ne pas adhérer même si c’est obligatoire ? ».

Montants de participation minimum, garanties en prévoyance

Le décret du 20 avril 2022 a fixé les montants de participation minimale, à 50 % d’un montant de référence de 30 euros soit 15 euros minimum en santé et, en prévoyance, à 20 % d’un montant de référence de 35 euros, soit 7 euros minimum. « Dans l'accord de juillet 2023, les partenaires sociaux souhaitent que ce montant en prévoyance soit de 50 % du montant de la cotisation. Mais est-ce que cela va faire ou pas l'objet d'une transcription réglementaire puisqu'on est au-delà du décret ? », interroge Maître Letellier. Et de préciser que ces 7 euros devront financer, en partie, des garanties minimales qui concernent l’incapacité et l’invalidité, le reste étant à la charge de l’agent. « Rien n’interdira à un employeur d’intégrer dans son cahier des charges, lorsqu’il fera un appel à la concurrence, des garanties décès. Ce qui ne sera pas sans poser la question du financement de cette garantie. Il y aura donc des arbitrages à faire sur les garanties à mettre en place, dans le cadre notamment des négociations au sein de chaque collectivité ou bien mené par les CDG. »

Importance de l’accompagnement, rôle des CDG

« En labellisation, les choses sont relativement simples puisque l’agent choisit son contrat parmi plusieurs offres qui sont proposées par les mutuelles. Quand il s’agit de rédiger un marché public, c’est plus complexe et bien se faire accompagner est essentiel », juge Nicolas Lonvin. « D’où la nécessité de prendre soin de choisir un bon accompagnateur, qui connaisse bien le système de la PSC », insiste Maître Letellier. Nicolas Lonvin a également rappelé le rôle important des CDG et invité les collectivités, y compris les grandes, à adhérer au marché proposé par leur CDG « ce qui leur permet de ne pas avoir à faire elle-même un marché, avantage non négligeable en termes de temps de travail et d’analyse, pour se concentrer sur l’action sociale directe, c’est-à-dire leur niveau de participation financière sur le contrat ».

Encadrement des évolutions tarifaires

La question des hausses tarifaires a été pointée par les intervenants. « Dans le Finistère, nous avons un contrat de prévoyance de longue date qui regroupe aujourd’hui 7 600 agents et 300 collectivités. Les tarifs proposés par l’assureur en 2019 étaient sous estimés et concrètement, depuis trois ans, nous avons des augmentations annuelles demandées par l’assureur, heureusement encadrées dans le marché, mais qui font des hausses pour les agents », témoigne Nicolas Lonvin. Le DGS indique également une hausse en 2024 des cotisations liée à la réforme des retraites. « Le décret du 8 novembre 2011 liste des cas d’augmentation tarifaire, et notamment l’aggravation de la sinistralité ou une modification significative de la population assurée. Nous pouvons penser que ce sera également encadré dans le texte à venir », informe Caroline Letellier. Et de compléter en précisant que « l’accord du 11 juillet 2023 prévoit un encadrement des évolutions tarifaires avec un plafonnement en santé à 10 % et en prévoyance à 15 % ».

À savoir

Les risques d’un changement de ratio en labellisation santé

L’accord du 11 juillet dernier prévoit de passer le ratio de solidarité en labellisation santé, actuellement de 1 à 3, à 1 à 2. La conséquence ? Selon Nicolas Lonvin, « les cotisations seront très probablement plus élevées qu’aujourd’hui pour les moins de 30 ans ». Pour Maître Letellier, « le risque en plus serait que ces jeunes, à qui on demanderait de payer beaucoup plus si on baisse le ratio, n’adhèrent même pas à un contrat labellisé et adhèrent à un contrat classique d’assurance. C’est peut-être une fausse bonne idée... ».

© Getty Images, La Gazette des communes

Article publié le 23/11/2023

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