« La co-construction est le gage d’un engagement plus important des collaborateurs. Il faut qu’ils aient un véritable sentiment de participer au projet commun. » Directrice du bien-être au travail, de l’action sociale et du dialogue social à la région Île-de-France, Isabelle Morel fait partie des décideurs de collectivités qui prônent, pour l’avoir testée, l’élaboration participative du projet territorial comme outil au service de la qualité de vie au travail (QVT). La co-construction d’un projet collectif comme levier d’autonomie, de mobilisation, de motivation intrinsèque, de créativité et d’épanouissement au travail des agents territoriaux, c’est l’un des thèmes abordés par l’étude Pour une fonction publique heureuse, produite par le think-tank La Fabrique Spinoza. Une monographie présentée à la mi-octobre par la MNT, qui en est le partenaire majeur.
Ce qu’est et n’est pas la co-construction
Mais qu’est-ce que la co-construction ? Dans son rapport sur “La co-construction de l’action publique : définition, enjeux, discours et pratiques”, publié en 2018, le socio-économiste Laurent Fraisse tente une définition. La co-construction est, selon lui, « un processus institué de participation ouverte et organisée d’une pluralité d’acteurs à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de l’action publique ». Co-construire un projet, c’est donc tourner le dos aux processus de décision autoritaristes, technocratiques, clientélistes ou purement gestionnaires. Mais c’est aussi se démarquer des classiques démarches de négociation, concertation, ou simple consultation amont.
Dans ce domaine, la fonction publique territoriale apparaît comme un véritable laboratoire d’innovation. Les expériences menées par les collectivités – l’étude de la Fabrique Spinoza donne de nombreux exemples – révèlent une « corrélation positive significative entre une démarche de co-construction et la satisfaction et la performance des individus sollicités. Ainsi impliquer les agents à co-construire le projet collectif est vecteur de bonheur au travail. » Cette démarche participative peut impliquer différentes parties prenantes.
Co-construire avec les agents et avec les entreprises
L’indice de positivité des territoires de l’Institut de l’économie positive est, dans l’étude de la Fabrique Spinoza, un exemple d’initiative de co-construction interservices au sein des collectivités. Les villes du Havre, de Bordeaux et d’Aix-en-Provence ont confié à leurs agents la définition de cet indice d’altruisme et de durabilité, comme nouvelle boussole pour l’action. Ce référentiel permet d’orienter les prises de décision et d’évaluer les actions sur le long terme, autour d’objectifs positifs partagés, comme l’offre de places en crèche, l’accès aux soins ou l’existence d’instances de représentation des jeunes générations.
Le Laboratoire d’innovation pour le bien-être, le rayonnement territorial et l’épanouissement (LIBERTE) est un projet de "territoire durable global" intégrant la problématique du bien-être au travail. Ce projet est issu d’une démarche de co-construction associant acteurs publics et privés. Il a en effet été lancé début 2019 par la communauté de communes Les Vals du Dauphiné (38), en collaboration avec la préfecture de l’Isère et une dizaine d’entreprises locales. LIBERTE expérimente de nouvelles pratiques de management, en réponse aux enjeux de bien-être de l’individu, de performance des organisations et d’attractivité du territoire. Le dispositif inclut notamment un éveil à la pratique de la pleine conscience et le développement d’une approche du "leadership serviteur". Les Vals du Dauphiné ont été récompensés pour ce projet lors des Prix santé et mieux-être au travail de la fonction publique territoriale (PSMT) en 2019.
Co-construire avec les habitants et avec une multitude de parties prenantes
Attachée à une démocratie du quotidien et à une citoyenneté active, la région Occitanie a souhaité faire des habitants les acteurs de la décision publique pour bâtir un avenir partagé. Tournée régionale des élus et agents volontaires à la rencontre des citoyens, plateforme web, états généraux, votation citoyenne : cet ambitieux dispositif de co-construction a reconnecté les agents à l’essence de leur travail.
Élaborer les politiques publiques avec les usagers et les agents : vers une dynamique de co-construction, c’est le thème d’une étude publiée en juillet 2020 par l’Observatoire MNT. À partir de cinq retours d’expérience de collectivités engagées dans ce type de démarche, elle démontre les multiples impacts positifs d’une conception participative de l’action publique, associant les décideurs territoriaux, les agents et les usagers. Un « management par le sens », selon la Fabrique Spinoza, qui cite la responsable du Parc naturel urbain de l’Eurométropole de Strasbourg : « La démarche a transformé ma manière d’œuvrer pour la ville et ses habitants. Avant, je me situais comme sachante. Aujourd’hui je me considère plus comme facilitatrice de projet, à l’écoute des acteurs. Éveilleuse de territoire ».
Le Fonds MNT : un bon moyen de co-construire
La MNT a créé, début octobre 2020, un fonds de dotation, le Fonds MNT, pour encourager les acteurs territoriaux, agents et décideurs, à proposer des initiatives innovantes pour améliorer le service rendu aux usagers ou faire évoluer leurs conditions de travail. Un accélérateur d’innovation et un bon moyen de les accompagner dans cette co-construction du service public local de demain.
En savoir plus :
- Fabrique Spinoza : la boîte à outils du bonheur au travail dans la territoriale
- L'étude complète
- Santé environnementale : agir sur le cadre de travail pour le bien-être des agents
- Prendre soin des agents : l’outil numérique au service de la santé
- Prendre soin du corps des agents : la santé physique, facteur de bien-être au travail
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Article publié le 13/11/2020