Appelée de ses vœux par un grand nombre d’acteurs territoriaux, le déploiement des modes de travail collaboratif au sein d’une collectivité est une affaire complexe, une démarche au long cours, un parcours semé d’obstacles. Outre les freins culturels et administratifs qu’il s’agit dans un premier temps de débloquer, les pratiques collaboratives impliquent que l’organisation territoriale mène une profonde réflexion sur son fonctionnement et engage de multiples chantiers RH. C’est ce que montre notamment le 30e Cahier de l’Observatoire MNT intitulé Faire le pari du collaboratif et réalisé en partenariat avec l’Institut national des études territoriales (Inet) et l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF). Cette étude inédite s’appuie à la fois sur des entretiens individuels et sur quatre études de cas (Département du Val d'Oise, Métropole européenne de Lille, Smicval, Caluire-et-Cuire) mettant en lumière l’expérience de ces collectivités.
Le premier enseignement porte sur l’importance, pour l’entité territoriale, de définir des objectifs et une stratégie qui lui sont propres, avant même de poser les premières briques de son projet collaboratif. « Une telle démarche ne peut convenir spontanément à toutes les collectivités ni à tous les contextes. C’est un processus qui ne peut être décrété ou improvisé sans préparation ni accompagnement », soulignent les auteurs de l’étude.
Fixer des objectifs, définir une stratégie
Les pratiques collaboratives exigent, en effet, que la collectivité s’interroge sans tabou sur les fondements et les ressorts de son organisation interne et de sa gouvernance, ainsi que sur son mode de management. Il est donc essentiel de prendre en compte le contexte, de définir les besoins et de poser des objectifs partagés. « Cette phase préalable de cadrage est nécessaire pour clarifier le but à atteindre et pré-identifier les actions à mettre en place ainsi que les ressources à mobiliser », précise l’Observatoire MNT. Une étape qui peut aussi bien cibler les besoins et les attentes des usagers, la fluidification des fonctions ressources pour renforcer l’efficacité des missions ou encore les interactions entre services internes et externes, en particulier pour les intercommunalités qui peuvent trouver dans les modes de travail collaboratif un puissant levier d’intégration.
Mobilisation à tous les étages
Dans un deuxième temps, le 30e Cahier de l’Observatoire MNT pointe la nécessité pour la collectivité de mobiliser des acteurs du processus collaboratif à tous les niveaux hiérarchiques de l’organisation. Il s’agit de permettre la confrontation d’approches et d’angles de vue différents -notamment ceux des agents- et d’aider les cadres et les dirigeants à s’extraire d’une culture descendante afin de les familiariser au partage des décisions. « Pour autant, le portage et la volonté de la hiérarchie, voire de l’exécutif, restent des impondérables. Il ne s’agit pas de déresponsabiliser les managers qui sont à la fois le levier et le vecteur du déploiement de cette nouvelle culture commune », indiquent les auteurs de l’étude.
Ces derniers précisent que les rôles et responsabilités de chaque acteur du projet collaboratif doivent être explicitement définis (par exemple par l’élaboration d’une note de cadrage ou d’une lettre de mission) et les modalités d’arbitrage clairement affichées dès le départ. L’Observatoire MNT insiste, en outre, sur les questions du portage de la démarche dans la durée, de son évaluation et de sa pérennité. Autant de thématiques qui doivent être anticipées, afin de prémunir la collectivité d’un arrêt brutal des chantiers collaboratifs dans le cas du départ d’un maillon essentiel du projet ou d’une alternance politique.
Des investissements RH rentables
Le troisième axe de réflexion concerne l’importance pour les organisations territoriales de mobiliser les ressources RH autour de leur projet collaboratif. Le décryptage des démarches entreprises par les quatre collectivités étudiées met notamment en lumière le rôle essentiel joué par la formation des animateurs appelés à piloter les chantiers collaboratifs. Sur ce point, le document rappelle que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) propose un catalogue de formations à la facilitation et à l’innovation qui peut s’avérer très utile dans le cadre d’une démarche participative. D’autres outils peuvent être actionnés comme l’aide des centres de gestion pour mutualiser des ressources autour des actions collaboratives, la mise en place de supports de communication dédiés au projet ou le déploiement de dispositifs d’accompagnement à l’intelligence collective.
Enfin, l’Observatoire MNT recommande de veiller aux problématiques techniques que sous-tendent les enjeux stratégiques, organisationnels et managériaux. À titre d’exemple, l’organisation de l’espace de travail doit s’adapter à un fonctionnement plus hybride et agile, tandis que les outils numériques doivent être mis au service des relations sociales permettant des interactions continues au sein des équipes territoriales. De tels investissements « valent la peine car l’organisation et les participants en ressortent le plus souvent gagnants ».
Le 30e Cahier de l’Observatoire MNT repose sur 28 entretiens individuels menés auprès d’un échantillon varié de 21 structures dans la territoriale, l’armée et la fonction publique hospitalière et quatre études de cas.
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Article publié le 26/01/2024