Avant, pendant et après : réussir la reprise d’activité après un arrêt de travail de longue durée nécessite une posture proactive des collectivités, pour anticiper le retour, soutenir l’agent et son collectif de travail. Sous l’égide de l’Observatoire de la MNT, une étude menée par six élèves administrateurs pendant leur cursus à l’INET fournit aux employeurs territoriaux des pistes de réflexion et des réponses concrètes pour prévenir le risque de désinsertion professionnelle. Un récent webinaire a permis de détailler analyses et bonnes pratiques.
L’absentéisme de longue durée : un phénomène préoccupant dans le secteur public local
Comme le rappelle Jean-René Moreau, vice-président de la MNT et président de l’Observatoire MNT, « les arrêts longs deviennent préoccupants dans la fonction publique territoriale. Ils ont en effet augmenté de 33 % depuis dix ans. » Et de rappeler que la durée moyenne des absences est passée de 39 jours en 2017 à 47 jours en 2019. 9 % des effectifs territoriaux sont absents en permanence pour maladie. Concernant la typologie des agents concernés, Samuel Jaulmes, responsable de service innovation transmission et appui aux territoires, direction de la culture et du patrimoine à la région Occitanie, et co-auteur de l’étude, rappelle que « les arrêts maladie de longue durée concernent les métiers à forte pénibilité (filière technique et médico-sociale en particulier), où l’usure professionnelle est réelle. Mais aussi les strates au contact direct du public. » Les agents de catégorie C sont sur-représentés.
Les arrêts longs deviennent préoccupants dans la fonction publique territoriale. Ils ont en effet augmenté de 33 % depuis dix ans. »

Arrêts longs : des conséquences pour l’agent… et pour les équipes
Le risque avec les arrêts longs, c’est l’effet « boule de neige » : plus on s’arrête longtemps, moins il est facile de reprendre le travail. 50 % des agents en arrêt de plus de six mois ne reviennent jamais. Le risque est dès lors celui de la désinsertion professionnelle, avec ses impacts multiples sur la vie personnelle et sociale de l’agent, sur l’équipe (du fait du report de charge) et sur la continuité du service public. « C’est toute l’institution qui subit l’absence et doit y pallier, résume Steve Krief, secrétaire général ressources de la direction générale adjointe territoires et mobilités au conseil départemental de l’Essonne. D’éventuels effets-rebond sont à craindre sur la hausse des risques psychosociaux (RPS) parmi les collègues. »
Autour des arrêts de travail de longue durée : des managers à outiller
Entre direction générale et activité opérationnelle, le chef de service est la cheville ouvrière du suivi des arrêts longs. « On demande beaucoup aux managers dans la territoriale, reconnaît Amélie Dietlin, directrice insertion et action sociale territoriale, DGA solidarités au conseil départemental du Loir-et-Cher. Il est essentiel de les aider à assumer leur part de fonction RH face aux arrêts longs. » La ville d’Aix-en-Provence a ainsi mis en place une cellule d’accompagnement des arrêts de travail, pour penser les retours en anticipant les besoins de réorientation professionnelle, mais aussi agir en prévention dans les métiers à risque ne pouvant être exercés durablement.
Pendant l’arrêt : maintenir le contact
« Difficile de revenir après plusieurs mois ou années d’absence sans avoir suivi la continuité de l’histoire du collectif de travail », rappelle Amélie Dietlin. Parmi les bonnes pratiques citées dans l’étude, la tenue d’un journal de bord de l’équipe favorise la réinsertion. L’accompagnement de l’agent en arrêt long est, selon les auteurs, un outil de prévention de la désinsertion à renforcer. Pour Steve Krief, « il n’y a pas de tabou à prendre des nouvelles. Il faut pour cela obtenir dès l’embauche l’accord de l’agent qui doit consentir à l’utilisation de ses coordonnées personnelles et pouvoir se rétracter. » Certaines collectivités formalisent le maintien du lien avec le collectif de travail. La ville de Brest organise ainsi des réunions semestrielles permettant aux agents en arrêt long de croiser leurs collègues et responsables, et d’être informés sur leurs droits. Quant à la formation, elle reste accessible aux agents absents. Certaines collectivités y intègrent des parcours sport-santé facilitant le retour au travail.
Accompagner la reprise du travail : l’entretien de retour
« Formaliser et jalonner la reprise, quelle que soit la cause de l’absence », est impératif selon Samuel Jaulmes. L’intérêt d’un tel entretien s’impose en vue d’une reprise d’activité, mais aussi de façon périodique (par exemple après les 30 premiers jours d’arrêt) ou même dans le cas d’arrêts perlés (des absences courtes et très récurrentes). Relayant une initiative de la métropole de Toulouse et de la ville de Nanterre, les auteurs de l’étude y ont intégré un guide de reprise après un arrêt long, avec un canevas d’entretien de reprise.
Reprise du travail après un arrêt long : une étude représentative
Réintégrer le collectif et réussir à reprendre le travail après un arrêt long : sous ce titre, six élèves administrateurs territoriaux à l’INET (promotion George Sand) ont planché sur une étude sur les arrêts d’une durée supérieure à 30 jours. Ils ont interrogé 48 interlocuteurs entre mars 2019 et mars 2020, issus de 34 structures. Un équilibre a su être respecté entre les diverses strates de collectivités : 11 communes, 13 EPCI, 4 départements, 2 régions, ainsi que 3 centres de gestion. Les co-auteurs ont mobilisé 55 % de leurs interlocuteurs au sein des DRH, 20 % dans les services de santé au travail, le solde ayant été recruté parmi les services d’accompagnement à la mobilité ou à la qualité de vie au travail (QVT).

Lire :
- l'étude complète.
- la synthèse.
- le témoignage du Docteur Laetitia Paolaggi, médecin conseil de la MNT : "Retour à l'emploi : le médecin conseil est un médiateur".
- le témoignage d'Olivier Ducrocq, DGS du CDG 69 : "Retour à l'emploi au CDG 69 : un copilotage du risque".
© MNT_DR
Article publié le 18/12/2020
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