En même temps que l’ordonnance du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire (PSC) dans la fonction publique, un autre texte paraissait le même jour, d’une grande importance également : l’ordonnance relative à la négociation et aux accords collectifs. « Il n’y a pas eu d’accords significatifs ces dernières années et la volonté du législateur est de réformer et de rendre le dialogue social plus efficient, en refondant totalement le champ des instances de dialogue social ainsi que sur le volet de la négociation collective », analyse Cindy Laborie, responsable des affaires juridiques de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). Et de constater qu’« il y a une évolution concrète dans les collectivités territoriales avec de plus en plus d’accords collectifs conclus portant majoritairement sur trois items : la mise en œuvre des 1607 heures, le régime indemnitaire et la PSC ».
Conclure des accords collectifs sur la PSC
« La possibilité de conclure des accords collectifs ayant une valeur juridique est une nouveauté importante. S’agissant de la PSC, un accord collectif peut conduire l’employeur à devoir conclure un contrat à adhésion obligatoire et également prévoir la souscription obligatoire des agents à tout ou partie des garanties que le contrat collectif comporte en santé comme en prévoyance », indique Florian Mokhtar, avocat à la Cour, associé du cabinet D4 Avocats Associés. Une condition importante a été rappelée : un accord n’est valide que s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli à la date de signature, au moins 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
A noter que les modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs ont été précisées par le décret du 7 juillet 2021, dont l’article 8 a été partiellement censuré par le Conseil d’État le 19 mai dernier. Ainsi, même une organisation syndicale non signataire d’un accord collectif peut demander à engager le processus de révision de l’accord.
Pour parvenir à un accord, « l’enjeu va donc être de tenir un « vrai » dialogue social et de mener une véritable négociation collective avec toutes les organisations syndicales », souligne Florian Mokhtar.
PSC : vigilance sur la négociation
Un préalable autour de la négociation selon Bruno Collignon, ayant exercé deux mandats de président d’une organisation syndicale représentative : « Toute négociation autour d’une thématique qui touche la fonction publique territoriale ne peut avoir de sens et de chance de réussir que si elle repose sur la confiance et la transparence. C’est aussi accepter la notion du compromis pour avancer ensemble dans l’intérêt général ». Et de préciser que « la PSC touche à un point essentiel qui relève de la santé publique. Cela nous oblige collectivement, employeurs, centres de gestion (CDG), représentants syndicaux, à être très vigilants sur cet enjeu de négociation ».
Selon Cindy Laborie, « nous avons l’exemple d’élus qui se sont emparés du sujet avec déjà une pré négociation qui a eu lieu sur la rédaction du décret du 20 avril 2022, avec un pré accord de méthode signé le 23 février et un accord de méthode qui sera signé le 12 juillet prochain avec quasiment l’ensemble des organisations syndicales représentées au niveau national pour se mettre d’accord sur l’ouverture d’une négociation, notamment concernant la révision du décret du 8 novembre 2011 et sur une évolution des garanties offertes en matière de PSC ». Et de constater une « prise de conscience » par les employeurs locaux des enjeux de la PSC en termes de RH et d’attractivité dans un contexte difficile pour recruter et fidéliser, mais face aussi à la précarisation de certains agents…
Les CDG au cœur des deux réformes
Les deux ordonnances confient aux CDG une nouvelle mission qui est de conclure des conventions de participation au niveau départemental, régional ou interrégional pour le compte des collectivités territoriales, « sans préciser collectivités affiliées, souligne Cindy Laborie. C’est déjà le cas aujourd’hui avec plus de 50 % des CDG qui ont des conventions en santé et en prévoyance auxquelles des collectivités non affiliées sont adhérentes. Pourquoi ? Parce que la négociation mutualisée leur permet d’avoir des taux plus intéressants et des garanties supérieures pour leurs agents et cela leur évite une démarche juridique un peu complexe ». Pas d’obstacle juridique d’ailleurs à ce que des collectivités puissent mutualiser en matière de PSC par exemple à un niveau intercommunal.
A noter que la FNCDG, avec l’Association nationale des directeurs et directeurs adjoints de CDG (ANDCDG), travaille à un cahier des charges type qui sera mis à disposition des centres de gestion mais aussi des collectivités territoriales. Autre point souligné par Cindy Laborie en matière de négociation collective pour les CDG : « L’ordonnance a donné compétence aux CDG pour le compte des collectivités de moins de 50 agents de négocier avec les organisations syndicales qui sont au sein du CDG ».
Régime, dispenses, traitement des agents…
Cette réforme de la négociation et des accords collectifs n’est pas sans conséquences en matière de PSC, comme le relate Florian Mokhtar, « avec la possibilité qu’il y ait une dualité de régime selon si le contrat est collectif ou non, et avec la possibilité pour l’employeur de faire des choix différents en santé et en prévoyance avec donc des procédures qui seront différentes et des régimes différents ». Autre conséquence pointée du doigt par l’avocat : « Une différence de régime juridique, fiscal et social selon que le contrat est à adhésion obligatoire (avec le bénéfice d’un certain nombre d’exonérations de cotisations pour l’employeur) ou facultatif ». Dans les conséquences à prendre aussi en compte selon Cindy Laborie, dans le cadre des accords collectifs et de la mise en œuvre des contrats à adhésion obligatoire qui sont, selon elle, une « révolution » : « la définition des cas de dispense qui risque d’être assez complexe parce qu’il y aura des dispenses de droit et des dispenses à l’appréciation des collectivités et de l’accord collectif. Avec ainsi une dualité de traitement entre les agents ». Et de questionner par ailleurs l’impact de la loi Evin qui implique la reprise des états pathologiques passifs.
Autre problématique mise en lumière par les trois intervenants : la question de l’équité liée aux moyens financiers des collectivités avec un risque d’inégalité donc entre les agents. D’où l’importance des négociations en cours… et, pour Bruno Collignon, également du « rôle primordial des CDG en matière d’harmonisation, même si la libre administration des collectivités n’est pas à remettre en cause ». En insistant sur le fait que « la PSC ne doit pas utilisée comme un levier de mise en concurrence d’une collectivité par rapport à une autre ».
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Article publié le 04/07/2022